l'or vert - écologie libertaire - 2013


Les dinausores sont de retour

Par Jean-Jose Ferretti


ou 40 ANS de l’OR VERT

Des dates : Février 1972 – février 1978 -juillet 2013 : début – fin – résurrection le nouvel âge est arrivé. Qu’est ce qui a motivé une bande de jeunes en recherche d’un monde remodelé à se lancer dans cette aventure de vouloir exister dans l’univers de la contre-culture ou plus exactement de la sur-culture ?

Car c’est bien de cela qu’il s’agit ; plus que de la contestation écologique, plus que les idées anars, l’Or Vert s’est voulu « l’organe de la révolution écologique ».

Ce groupuscule informel, insatisfait des suites ou non-suites, selon les attentes des uns et des autres, de mai 68, avec une digestion toute particulière des écrits de Guy Debord et Raoul Vaneigem, poursuivant une recherche de l’accomplissement personnel au travers des enseignements des sociétés dites traditionnelles, des pensées de Lanza Del Vasto ou de Khrisnamurti, de Shri Aurobindo, de la volonté du dépassement de soi tel que défini par Nietzsche, ce groupuscule dis-je avait éprouvé le besoin de se rencontrer, de se raconter, de contester.

D’aucuns assez portés sur la littérature et l’approche spirituelle du monde ont proposé de lancer une revue au nom évocateur de l’Or Vert.

Ce nom est issu de la valeur symbolique des deux couleurs. L’Or en tant que rayonnement divin, Hélios, Dionysos ou autres au gré des sensibilités de chacun et le Vert de la nature et de l’espoir.

Or Vert 1

L’imagination, la créativité bouillonnante de ces esprits est issue de la lecture du conte de Goethe Das Märchen connu en français sous le titre Le Serpent Vert.

Alliance de l’esprit libertaire de la plupart d’entre nous et d’une recherche particulière de l’esthétisme, de la poésie et de la musique, l’idée était partie.


Nous voilà donc en février 1972, déjà voisins de pensée de Survivre et Vivre, d’Actuel (la revue underground), de Fournier et La Gueule Ouverte, acceptant par ailleurs des hommes que certains ont appelés « perdus » (par leur prise de position lors de la guerre de 40) mais qui ne nous ont jamais saoulés avec des théories « fachos », ce dont beaucoup d’entre nous se seraient moqués en tant que libertaires de droite, de gauche du centre, de partout et de nulle part, côtoyant des écolos de gauche, des gauchistes écolos, des libertaires et des adeptes de la liberté sexuelle et du cul nu, mais des hommes et des femmes libres avant tout.

Bien entendu nous avons écrit des tonnes de conneries ; dans le premier numéro, Enigmatic (paix à son âme) nous affirme que « si dans 50 ans il y a encore de la verdure et des animaux sur terre, c’est que la civilisation actuelle se sera liquidée catastrophiquement à temps ». C’est raté pour la liquidation, mais… dans 50 ans ? Nous en reparlerons car nous reviendrons vous asséner nos vérités.

Quant à « élections pièges à cons » que dire lorsque certain, le meilleur d’entre nous, maxima inter pares, compte se présenter à l’approbation béate et bêlante des « zélecteurs », ou que d’autres se sont fait élire au sein d’un parti centriste. Mais tous ont eu une démarche honnête, croyant en ce qu’ils faisaient et font encore, alors ???

Les dinosaures d’aujourd’hui n’ont pas à rougir de ce qu’ils sont devenus, sauf à avoir renié leur idéal profond ce qui n’est pas.

Or Vert 5    Or Vert 7    Or Vert 9

Pas plus que les successeurs de Guy Debord qui ont accepté une exposition à la BNF, lui qui décriait la société du spectacle, d’autres qui vont se perdre chez les Verts, Raoul Vanegeim devenu un médiéviste de haut vol. Cavanna a-t-il trahi La Gueule Ouverte, Nature et Progrès s’est-il dévoyé en devenant le label de référence des produits bio, certains libertaires de l’époque ont franchi le Rubicon électoral en devenant des députés Verts bien installés, ou des proches du Centre qui cherche sa périphérie, ou d’autres encore qui ont rejoint des obédiences maçonniques dans l’espoir d’améliorer l’homme ?

Droit d’inventaire des survivants d’une époque de créativité bouillonnante ? En fait, on s’en fout complètement pour ce qui concerne les individus qui n’ont de compte à rendre qu’à eux-mêmes, à leur philosophie et vision de monde.

Écologie libertaire. Deux mots qui aujourd’hui ne signifient plus grand-chose, en tout cas qui ne correspondent plus à des idées foisonnantes. Écologie récupérée par divers mouvements politiques au sens le plus vulgaire du terme, au sein desquels le destin personnel des ministres, sénateurs et députés l’emporte sur l’éthique et le destin. L’environnement a bouffé l’écologie.

Mais il y a quarante ans nous étions des bleus, des tendres zélateurs de la nature.

Au début de cette publication, les emmerdes arrivent, nous voici confrontés à un « imprimeur-maquignon » qui bloque le numéro 3 sous divers prétextes de prix et surtout de désaccord avec des articles, comme s’il fallait demander au facteur d’être d’accord avec les missives qu’il est censé distribuer ! Eh bien, l’imprimeur fou a eu gain de cause, nous lui laissons ce numéro sur les bras.

L’équipe de quatre du départ (Orliac, Ferretti, Darolles, Martin) se trouve amplifiée par l’arrivée en juin 72 de notre ami (pleurons sa disparition en 2002) Gérard Serre, génial dessinateur, puis dans les mois qui suivent, du non moins débridé du cigare Richard Campana, des jeunes élucubrés du CLAP, de Jean Carlo Marchio, Jean-Pierre Olivesi, Hubert Tahar, Guy Benarroche qui depuis s’est perdu dans les eaux troubles des Verts écolos (pas perdu ! m’écrit-il au moment où je rédige), de Régis Soubeyran, Jean-Pierre Depetris, Serge Panarotto, de poètes comme Anne Arzieff, de Pertuzé, Jacques Dayez, Robert Dehoux et de tous ceux et celles dont nous avons oublié les noms ou les pseudos passés dans l’absence mais pas dans l’oubli.

Les dates d’arrivées au sein de la pièce de théâtre ne sont peut-être pas rigoureusement exactes mais cela importe peu.


Survivre et vivre

Ce qui est important c’est que le désir de changement soit toujours présent, même si les obligations de la vie n’ont pas toujours autorisé à suivre sa voie idéale ; ce qui est important c’est que l’amitié soit toujours présente et qu’elle essaie d’être un exemple pour nos suivants.

La pièce de théâtre se joue dans la publication de l’Or Vert, dans le militantisme débridé du CLAP, dans la musique et l’art, au Théâtre Toursky de Marseille, au happening du Larzac. À l’époque « nous refusons de jouer le jeu de la lutte des classes car notre but est de faire prendre conscience et d’amener les gens à assumer pleinement leurs responsabilités d’hommes libres. Et nous ne saurions proposer des solutions dans les structures actuelles que nous combattons sous toutes leurs formes. » (in : Guide de la France des Luttes.)

Rapprochement avec Georges Krassovsky de Combat pour l’Homme et Esprit Libre, avec des Libres Penseurs Francs-Maçons de Culture et Liberté et plein d’autres qui ont pu occasionnellement s’exprimer pour notre plus grand plaisir.

Que dire des chanteurs comme Evgen Kirjuhel, de l’ami Gilles Servat sinon que leurs mélodies ont enchanté nos réunions. Ils sont toujours là, ils n’ont pas varié.

Que dire des tentatives de vie en communauté sinon qu’elles ont échoué comme toutes les autres. Amen.


Or Vert 10    Or Vert 12    Or Vert 14

La « notoriété » arrive en 1974 lorsque l’Or Vert se trouve cité dans le Guide de la France des Luttes (Jaubert, Weil, Salomon et Segal : ed stock) parmi 600 groupes divers classés dans les révolutionnaires de gauche. Idem pour l’Almanach vert.

Avec le recul, il est assez curieux de constater que des groupes ou revues comme l’Almanach vert voulaient se positionner à gauche (de quoi donc ?) et dans le même temps citaient dans leurs articles des auteurs spiritualistes, francs-maçons pas particulièrement de gauche, loin s’en faut, comme René Guénon, Albert Schweitzer ou Julius Evola. Confusion des genres, confusion des temps, confusion des gens.

L’Or Vert se situait dans le courant de contre-culture initialisé au début des années 60 par les situationnistes, le mouvement anarcho-spiritualiste adepte de Nietzsche et Allan Watts, des Ateliers Planète, de la nature dans ses vibrations psychiques, de la revue Atlantis.

Peut-être notre ami Michel Lancelot avait-il mieux appréhendé notre recherche, notre révolte, lorsqu’il nous place dans son ouvrage Le Jeune Lion Dort avec ses Dents, avec différents mouvements et revues comme Survivre et Vivre et aussi le Torchon Brûle organe du MLF. Sous-titre du bouquin : génies et faussaires de la contre-culture. Je trouve que cela nous va très bien par rapport à ce que nous faisions à l’époque : volonté du tout et n’importe quoi.

En 1976, une interview très chiante sur Europe 1 par Michel Drucker acceptée dans l’idée de relancer la dynamique du canard et du groupe, un bide car l’émission était préparée à l’avance et « audition piège à cons ».

En février 1978, un numéro 15 qui se cherche et le groupe qui ne se trouve plus, l’arrêt enfin et le sommeil pendant 40 ans où Clap-Clap, la bonne fée se réveille sous les doux baisers mouillés de soupir des dinosaures nostalgiques.

Mais pendant tout ce temps de sommeil, les écrits du bon docteur Albert (Schweitzer) restent parfaitement d’actualité et je ne peux que conseiller la lecture des pages de Déclin et Restauration de la Civilisation de 1923 ou de l’Homme et l’Invisible de Jean Servier.

Un dinosaure a toujours tendance à moraliser un peu.

Ami lecteur vous pardonnerez au scripteur.


Place donc au numéro 2013 et que la joie soit dans les cœurs !


Jean-José FERRETTI





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