l'or vert - écologie libertaire - 2013


Le nomade et la fourmi

Par Jean Carlo


fourmis

Nous nous dirigeons selon toute apparence vers la disparition de notre biotope originel ainsi que vers une extinction de la race humaine et de nombreuses espèces que nous entraînons avec nous. Cette situation s’est déjà produite dans l’histoire de la terre à la suite de cataclysmes naturels. Peut-être ne devrions-nous pas nous en alarmer et penser que de la terre et ses occupants survivants reprendront la marche en avant, qu’un nouveau cycle de la vie se mettra immanquablement en place.

Les espaces naturels autorégulés sont détruits à un rythme soutenu, et cela depuis des décennies, sans que rien ne soit pratiquement fait de manière significative pour infléchir le processus.

Forets, glaciers, banquises, océans, air, espace, nous connaissons tous le désastreux état des lieux !

La biodiversité garante de l’efficacité de l’évolution et des adaptations aux changements du milieu, est en recul au profit d’une sélection génétique dont les critères sont productivité et standardisation.

– La destruction des espaces naturels ne ralentit pas.

– la population mondiale augmente inexorablement.

– Les ressources naturelles facilement accessibles s’épuisent.

Pourquoi ?

Deux blocs s’opposent sans que la balance ne penche dans un sens ni qu’un bloc ne domine l’autre :

Les pays « dits développés » cherchent à faire perdurer leur prospérité chèrement construite sur un modèle et à bout de souffle d’exploitation de la planète à leur profit exclusif.

Les pays « dits du tiers monde », sortis de la soumission coloniale aspirent à rejoindre le club des pays développés et entrent en compétition pour les ressources.

Aucune issue ni compromis entre ces forces n’est en vue quoi qu’on pense.

– La marche vers la mondialisation par l’homogénéisation n’est pas en route !

– Les populations des pays déjà développés ne sont pas prêtes à voir leur niveau de vie ni stagner ni baisser en faveur des moins favorisés.

– La crise économique actuelle, qui n’est qu’un symptôme de ce glissement, ne provoque aucune évolution adaptative, ni des économies ni des idées.

– Les populations des pays en voie de développement n’ont aucune intention d’accepter de ne pas essayer de rejoindre le niveau de vie actuel des pays déjà développés.

Colibris 2

Si cela doit se faire au détriment des plus favorisés, aucun problème ! La roue tourne !

– Technologie et biotechnologie ouvrent des horizons nouveaux chaque jour. Le potentiel est immense et immensément désirable pour chaque individu. Il n’est plus absurde de penser que la maladie peut disparaître, comme le labeur aussi ! Mais pour combien d’entre nous ? Les ressources nécessaires à chacun pour bénéficier de ces avancées sont considérables !

Face à ces enjeux communs, aucun consensus global ne se dessine encore pour trouver une solution gagnante-gagnante et mettre l’humanité sur une nouvelle route. Devrons-nous attendre la gouvernance assistée par les systèmes experts pour que l’on aille dans le bon sens ?

Pour moi le bon sens est celui qui permettra à notre espèce de se perpétuer dans le respect de ce qui l’entoure.

– Les idéologies politiques dominantes ne prennent pour l’instant aucun compte de cette situation complexe.

– Il n’existe pas non plus de nouvelle philosophie suffisamment répandue qui tenterait de proposer une évolution.

Nous avons besoin de pistes pour que des hommes puissent s’accomplir et se sentir heureux sans travail ni pouvoir sur le monde, et que d’autres prennent en charge avec plaisir la gestion du réel pour la communauté sans rancœur ni domination.

– Il faut que deux peuples issus de la même population coexistent sans conflit ni jalousie.

Pour produire des effets positifs, cette évolution souhaitable de la société vers la frugalité choisie par le plus grand nombre doit se conjuguer avec le respect des espaces naturels au profit de l’alimentation et du bien-être de tous.

– Cela devra certainement se faire par un double mouvement de population à l’échelle du globe :

D’une part, une sanctuarisation de la plus grande partie des espaces naturels sous la forme de « réserve naturelle et agricole » avec une très faible population « nomade ou semi-nomade » aidée par la mécanisation et la robotique, suffisamment éparse et mobile pour n’avoir qu’un impact minimal sur l’environnement. Cette réserve servira tout naturellement de fournisseur alimentaire et de matière première à l’ensemble de l’humanité reconfigurée.

D’autre part, l’hyper concentration urbaine d’une majorité de la population sous forme de colonies fermées qui s’étendraient en hauteur et en profondeur dans un espace restreint. Des « fourmilières » si on accepte de dépouiller ce mot du caractère péjoratif que l’on y attache généralement et que l’on prenne en compte le fait que ce type d’habitat est l’aboutissement ultime de millions d’années d’évolution. Ces nouvelles villes, universités et usines d’un nouveau monde fourniraient l’ensemble des produits manufacturés et des avancées technologiques.

Pour que ce modèle se mette en place et se stabilise, il est bien évidement nécessaire que les cultures, croyances et mode de vie soient si radicalement différents entre les communautés pour que le désir de passage d’un univers à l’autre soit exceptionnel, mais toujours possible. Il faudra aussi que le modèle familial et le mode de procréation évoluent assez dans le cadre culturel mondialisé pour qu’une réduction de population se fasse progressivement, sans trouble, et naturellement à l’échelle de ce que la planète pourra fournir durablement.

Deux mondes sur une même planète, interdépendants et synergiques.

Naturellement, ce double mouvement devra se faire sur la durée, 50, 100, 150 ans ? Comme pour les précédentes évolutions majeures du mode de vie de l’humanité.

Quels sont les exemples et modèles dont on pourrait s’inspirer à ce jour ?

Les Nations Unies, pâle ébauche du conseil ou gouvernement mondial dont nous avons besoin, n’ont réussi à sanctuariser que l’antarctique et certaines zones du pacifique. Les effets sur la biodiversité sont probants. Par contre il n’existe pas encore formellement de « territoire agricole » même si dans certains pays des ébauches existent sous la forme de fermes extensives mécanisées ou à cause de la « désertification » des campagnes que l’on devrait plutôt rebaptiser « renaturalisation » des campagnes.

Des projets d’« immeubles villes » apparaissent de temps à autre, et les urbanistes sont convaincus que c’est le mode d’habitation le plus économe en ressources, mais aucun effort réel n’a été encore déployé par les gouvernements pour attirer les populations vers ces modes de vie. Les efforts de re-densification des villes sont encore infructueux.

Par ailleurs, la sanctuarisions des campagnes est encore moins évoquée. Deux groupes de pressions s’y opposent pour des raisons différentes : Les ruraux, qui lient densité de population avec services publics et qui donc cherchent à attirer des urbains à la campagne d’une part, une partie des urbains qui cherche une meilleure qualité de vie car les prestations fournies par les villes actuelles sont considérées comme insuffisantes, d’autre part.

Compte tenu de l’importance des états dans l’économie de la planète, des décisions politiques sont nécessaires pour amorcer le processus souhaité.

La réalisation de « nouvelles capitales et de villes nouvelle avancées » ainsi que de « réserves rurales très connectées » pourrait être une idée de départ d’expérimentations en grandeur réelle, germe d’une généralisation du modèle que nous souhaitons.

Que pouvons ou devons-nous faire, Collectivement ou Individuellement face au monde, si malgré un horizon temporel qui nous dépasse, nous ressentons le besoin de nous impliquer au quotidien pour agir dans le sens que nous jugeons positif ?

Collectivement, les messages suffisamment puissants pour déclencher des actions sur le monde réel sont véhiculés par les croyances et par les organisations politiques.

Les croyances et les religions produisent des morales et des codes de vie qui finissent par être relayés par des mouvements politiques qui essaient de les appliquer.

Si nous en avons l’énergie et la volonté, nous devons donc participer à l’éclosion de nouveaux courants philosophiques et politiques qui correspondent à nos objectifs. Nous devons aussi lutter ouvertement contre les illusions et le danger des idéologies actuellement toujours dominantes qui, nous le voyons bien, ne tiennent pas compte du devenir commun à long terme.

Sur le plan individuel là encore si on en a l’énergie, il faut tout faire pour être moteur « par l’exemple et la conviction » d’un développement de ces nouvelles philosophies et de leurs relais politiques. Sans exclure des adhésions tactiques de circonstance avec l’ « ennemi » si cela participe au mouvement dans le bon sens.

Regroupons-nous donc, agissons, et vivons nos idées dans la joie de l’accomplissement.


Jean Carlo

Dessin de Ferrara

Dessin de Roger Ferrara



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